Aussitôt après l’accident qui a stoppé net le démarrage du LHC, une enquête délicate commence. Une task force d'une trentaine de "Cernois" et de quatre Américains, des collègues du Fermilab (1), est mise en place. Leur objectif est de comprendre ce qui s'est passé, et bien sûr d'éviter que ça ne se reproduise.
En jaune, la taille de l'anneau du LHC. La croix rouge indique le site de l'accident, le trait rouge la zone où les aimants sont remplacés.
"Nous avons travaillé dans la transparence avec un esprit constructif. Côté minutie et précision, c'était un peu comme une enquête policière", résume Francesco Bertinnelli, l'un des membres du groupe et responsable de la réparation et de la consolidation du secteur accidenté. Problème, la pièce à conviction a disparu... La jonction électrique à l'origine du court-circuit est en effet complètement détruite. Impossible donc de savoir exactement d'où venait l'infime résistance qui a causé l'échauffement fatal.
"On soupçonne une mauvaise soudure. Sans doute manquait-il d'étain", évoque Frédéric Bordry, en charge des réparations en montrant une photo du circuit endommagé. "A chaque fois que je regarde cette image ça me fait mal". Que s'est-il donc passé ce 10 septembre?
L'anneau est constitué de plusieurs centaines d'aimants reliés entre eux par des câbles électriques qui alimentent les bobinages générant les champs électriques nécessaires pour contrôler la trajectoire des particules. Plus le champ magnétique est fort, plus l'intensité du courant doit l'être. Alors pour que la consommation n'atteigne pas des sommets, il faut supprimer la résistance au courant en utilisant des câbles supraconducteurs. Comme cette propriété fantastique n'apparaît qu'à très basse température (1.9 K, soit -272°C), l'ensemble des pièces de l'accélérateur est mis dans un frigo très spécial: un bain d'hélium liquide. Entre chaque aimant il faut donc réaliser une soudure pour relier les câbles supraconducteurs.
Il va sans dire que cette soudure est très délicate car elle doit offrir le moins de résistance possible au courant. Hélas, c'est l'une d'elle qui a failli le 19 septembre. Un infime court-circuit a eu lieu. La soudure a fondu créant un arc électrique puissant (plusieurs milliers d'Ampères circulent...). Cela échauffe l'hélium liquide jusqu'à le vaporiser. L'arc électrique a fait fondre la première enceinte entourant les câbles supraconducteurs. Au-dessus c'est le vide, l'hélium se répand très violemment dans cette seconde enceinte. Puis dans le tunnel.
Sous le choc, les tubes se déforment, les aimants sont secoués; certains sont arrachés du sol. Des analyses à l'endoscope révèlent que les parois parfaitement propres du tube où circulent les particules sont souillées de suie. L'anneau est en fait atteint sur près de 700 mètres. 53 aimants devront être remontés inspectés, réparés et redescendus.
Cette enquête se termine par un pré-rapport le 16 octobre. Les experts évoquent la mi-juin pour la fin des travaux et la remise sous tension. Ils ne se tromperont que de deux semaines.
A suivre…
source : Sciences-et-Avenir.com
13/11/09
(1) Le Fermilab, installé aux Etats-Unis, dans l’Illinois, abrite le Tevatron, le second plus puissant accélérateur de particules au monde.
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